(France)


Yann Gonzalez

Premier long métrage de Rodolphe Marconi, "Ceci est mon corps" commence sous les meilleurs auspices : un plan pré-générique d'un danseur contemporain, musique grave, mouvements bruts et appliqués mais regard buté, vers un ailleurs mystérieux. Une image qui résume à elle seule le parcours d'Antoine (Louis Garrel dans son premier rôle d'adulte après une apparition dans "Les Baisers de secours" de son père Philippe), jeune étudiant en H.E.C. qui, las de sa destinée balisée, rêve de nouveaux territoires. L'occasion se présentera plus vite que prévu : repéré dans la rue, on lui propose de tenir le rôle principal du nouveau film de Louise Vernet (Jane Birkin), cinéaste versatile et obsédée par la mort de l'acteur initialement pressenti pour incarner son héros. "Ceci est mon corps" est un film déceptif, grave et ascétique, sur un adolescent en quête d'identité. Et si l'on peu regretter ce syndrome de rétention propre à un certain cinéma français, Rodolphe Marconi réussit à créer de beaux moments d'abstraction et de désir, avec les corps idéaux de Jane Birkin et de Louis Garrel, dont l'intense cinégénie reste le plus bel atout de cet essai inégal mais prometteur.

Source: http://www.chronicart.com/cannes2001/ev_autresfilms_1705.htm
copyright Chronicart, 2001.

Ecran-Noir Vincy - Cannes 2001
L'ECOLE DE LA CHAIR

Buzz

C'est le premier film de Rodolphe Marconi. Son court métrage Stop (99) avait reçu le Prix du jury du court métrage à Cannes. Il avait fait la Villa Médicis (époque où il a rencontré l'acteur pricpal, Louis Garrel, fils du réalisateur Philippe Garrel). Au départ ce réalisateur était comédien. il a donc collaboré avec l'un des compères de Téchiné, le scénaritse Gilles Taurand. Produit par Paulo Branco (Les ames fortes de Ruiz, Oliveira...), le film se retrouve en Quinzaine des réalisateurs. On note ainsi un casting classieux, avec Jane Birkin en tête de pont. C'est son premier film français depuis On connaît la chanson de Resnais (un tout petit rôle, le temps d'une scène avec Bacri) et sinon depuis le Mocky de 94 (Noir comme le désir). Une longue absence.
Evidemment le titre a été jugé comme une provocation par les intégristes religieux, qui s'approprient donc le vocabulaire de la Bible. L'affaire est portée devant le Tribunal de Paris, quelques jours avant la sortie du film.
Le juge a d'ailleurs autorisé le film à porter ce titre...
Ces mêmes "fidèles" avaient protesté lors des sorties de The Last temptation of the Christ et Je vous salue Marie (respectivement Scorsese et Godard).
Enfin, ne vous y trompez pas, malgré le titre : le cul est peu présent. On peut même noter une invraisemblance. Après un coït apparemment précoce, le jeune homme se retire totalement propre du côté du petit oiseau, très petit pour un membre venant à peine d'éjaculer. C'est bien de simuler, mais gare aux gaffes quand même... 

Critique

"Tu sais papa, je crois que j'ai aussi perdu la foi."

A l'origine, il y a les influences, l'histoire, le ton. Nous nous situons dans l'empreinte d'un cinéma français proche de Téchiné, Corsini, et pas très loin de Jacquot. Le jeune réalisateur y laisse aussi son empreinte, composée d'images abstraites (ballet, mathématiques, nus), de personnages fugaces mais essentiels.
Ceci est mon corps aurait pu s'envoler de lyrisme et de romantisme, s'amouracher pour une histoire sordide et immorale, se coller à un sujet dramatique, une errance fatale.
Le film débute bien, s'embourbe, et s'enfonce scène après scène dans une impasse.
Les acteurs sont bons, les jeunes comme les vieux, même si les seuls dont tombe amoureux sont les plus fous : Girardot, mais surtout Jane Birkin, en vieille féline mystérieuse, inquiétante, cruelle. Elle sauve le film : ses scènes sont les mieux écrites, et on un sens psychologiquement. Si les acteurs sont la préoccupation visible du jeune cinéaste - ils lui rendent bien - il aurait dû être moins exigeant d'eux et s'imposer la même rigueur sur le scénario et la réalisation. Certaines scènes sont complètement ratées (la dispute entre Garrel et Birkin). Des personnages sont baclés, notamment la mère (Elisabeth Depardieu méconnaissable avec ses lèvres au collagène) et les deux gamines.
Le film accumule les clichés, les banalités, les déjà-vus. Il n'y a rien de neuf dans le discours. le script est épouvantablement mal écrit, sans aucune ambition cinématographique. Ce nombrilisme aux frontières de l'autobiographie ne nous interpelle jamais, ne nous renvoie à aucune émotion, ne nous révèle rien.
On ne peut pas s'attacher à ces coprs sans intérêts, ces vies comme toutes les autres, et l'absence d'action dramatique. On s'égare, un peu plus, à chaque minute qui passe, jusqu'à se fondre dans le flou des lumières de la ville, sans aucune réponse. Il n'yavait aucun but. On peut être poète à condition d'avoir le style.
Marconi n'est pas mauvais : l'introduction avec cette répétition de ballet, la séquence d'anniversaire de la grand mère (Annie Girardot volant la vedette à tous), ou encore ces flashs sur ces corps nus sont autant d'impressions fortes et instantanées. Mais elles ne conduisent nulle part. Il n'y a aucun imaginaire, juste un rêve quelconque de couper le cordon de manière amateure.
C'est un peu l'idée de ce premier film. Couper le cordon de ses influences de manière amateure. Un jeune homme paumé, ça n'a rien de neuf dans le cinéma français. d'autant quand il y a l'aspect à certains moments d'un téléfilm "socio-réaliste" pour France 3.
On aurait aimé que le film approfondisse la métaphore charnelle, corporelle, le besoin de la peau, du mouvement, comme dans la danse. Au lieu de cela, on nous livre un essai sur les tourments d'un adolescent, totalement insipide. Reste la musique, très Ircam, mais séduisante.

copyright Ecran Noir, 2001.

Marie Marvier - 30/08/2001

(Note : "pas mal" sur une échelle de "non"/"bof"/"pas mal"/"bon"/"bravo")

Antoine, jeune homme de bonne famille, est destiné à de hautes études. 
Par jeu et par défi, il accepte un premier rôle dans un film en préparation.

En pénétrant avec Antoine dans l'univers trouble de Ceci est mon corps, on pense à l'ambiance de certains films de Claude Chabrol, comme Masques ou Inspecteur Lavardin, car le mystère qui entoure la réalisatrice Louise Vernet (Jane Birkin) intrigue et inquiète. Mais cet échafaudage trop fragile n'aboutit qu'à un dénouement laissant malheureusement retomber la tension comme si elle n'avait jamais existé. C'est d'autant plus dommage que le tout est superbement filmé et interprété.


 

Ceci est mon corps, de Rodolphe Marconi.

Saint ciné. Des grenouilles de bénitier désouvrées se seraient émues de l'emprunt aux Evangiles d'une phrase du Christ incitant au simulacre cannibale (" Ceci est mon corps, mangez en tous. "). Or il n'y a pas l'ombre d'un sacrilège dans cet épais mélo. Cette croisade tombe à pic pour un film qui a besoin d'un coup de pouce médiatique. Seul rapport à la religion : le catholicisme du père obtus du héros, qui bannit son fils destiné à reprendre les rênes de l'entreprise familiale, quand il veut faire l'acteur. En dehors de sa virtuosité ostentatoire, ce film pèche surtout par sa description grandiloquente, forcément tragique, du milieu du cinéma.


 
  Vincent Ostria - 29 août 2001

Déjà, il y a le grandiloquent titre christique, qui n’a pas plu à une association chrétienne. Ensuite, un violoncelle néo-classique donne le ton de ce drame psychologique cossu à la problématique antédiluvienne : Antoine, s’affronte à son père, industriel catho, qui lui interdit d’être acteur de cinéma. Pas honorable, mon fils. Parallèlement se greffe la relation du renégat avec une cinéaste (Birkin, pas crédible), qui voit en lui une sorte de réincarnation d’un acteur disparu. Et patati et patata. Du cinéma à l’ancienne sérieux comme un pape, où l’on se déchire en prenant des poses, et qui présente surtout une vision démodée du cinéma : voir la réalisatrice, artiste riche et célèbre qui se tord dans les affres de la création, mais qui a son couvert aux Bains et part en vacances au Venezuela comme un rien. Le fond et la forme sont en parfaite adéquation : sujet pompeux, gravité affectée, mise en scène maniérée. Tout cela donne un film totalement impersonnel.

 
Philippe Azoury - Le mercredi 29 août 2001

«Ceci est mon corps» n'est pas à la hauteur de son interprète. 
Louis Garrel, naissance d'un acteur 

Un jeune mec, étudiant, croisé dans la rue. On lui propose le premier rôle d'un film. S'il se décide, il doit quitter ses études supérieures, affronter ses parents et l'avenir qu'ils lui réservent. Il se lance dans l'expérience à corps perdu, par amour pour sa réalisatrice (Birkin, parfaite) qui le dévore. Où est son corps ? A quel moment peut-il se dire en phase avec lui-même ? Quand arrête-t-il de servir un rôle qu'on lui aurait imposé ? 

Faïence. Ceci est mon corps a connu pour son seul titre des bisbilles (devenues systématiques) avec les associations se disant soucieuses de la bonne conduite morale de notre pays (Libération du 16 août), comme si la phrase biblique ne saurait appartenir à tout un chacun. L'association, déboutée jeudi dernier, a retiré hier son appel. On peut donc enfin regarder le film avec calme. Qu'y voit-on ? Essentiellement un acteur, Louis Garrel (fils du cinéaste Philippe Garrel). Ses gestes sont prestes tout en paraissant extrêmement fragiles, de faïence. Son visage est d'une jeunesse à ce point inaltérable qu'il pourrait laisser pousser sur ses traits d'ivoire une barbe noire, qu'elle n'arriverait pas à le vieillir d'une heure. Il est, à lui tout seul, une source de mystère. 

Malheureusement, le premier long métrage de Rodolphe Marconi (que l'on pressent autobiographique : il a été acteur avant d'être cinéaste) n'est pas à sa hauteur. C'est une œuvre intrigante mais boiteuse, souffrant d'un scénario trop écrit, versant à force d'amertume dans la caricature quand il s'agit de grimer un milieu (le cinéma et ses mantes religieuses). La confiance quasi forcenée accordée aux rails cintrés du scénario empêche trop souvent Marconi de capturer ces moments de dépossession qui sont précisément son sujet et qu'un acteur comme Louis Garrel est prompt à lui offrir. Le film manque là son idéal poétique.


 
Remy Batteault

LA PLACE D'UN AUTRE (2étoiles/5)
 
Pour son premier film, Rodolphe Marconi n'a pas choisi la facilité. Il présente une galerie de personnages névrosés qui n'arrivent à rien, mais font parfois des efforts. Choisir une ambiance désincarnée (par exemple le réalisateur a demandé à Jane Birkin de jouer avec une voix la plus "neutre" possible) s'avère très risqué : comme on a du mal à s'attacher aux personnages, on peine à entrer dans le film. Par ailleurs, des personnages secondaires auraient mérité une place plus importante, par exemple cette grand-mère atteinte d'Alzheimer jouée avec conviction par Annie Girardot. Le personnage de la réalisatrice cruelle qui déclare "se demander pourquoi elle fait des films, sans doute pour savoir ce qu'elle aime" n'arrive jamais à nous émouvoir, ni à nous exaspérer. Quelques idées de mise en scène joliment naïves parviennent malgré tout à nous toucher (filmer un corps avec une image qui se voile brutalement, le travail sur le son), mais cela ne suffit pas à faire un film. On peut dire que cette première œuvre résume tous les travers du jeune cinéma français, bavard et finalement peu convaincant.

Source: http://www.monsieurcinema.com/commun/film/generique/?id_film=FI012497
copyright Monsieur Cinéma, 2001.


 
Le Point - Olivier de Bruyn - 31/08/2001

Enfant de la grande bourgeoisie, Antoine devrait en toute logique prendre la succession de son père à la tête de l'entreprise familiale. Mais le jeune homme ténébreux préfère la fréquentation des plateaux de cinéma au monde merveilleux de l'entreprise. Présenté à Cannes en mai dernier, ce film âpre et sévère radiographie le mal-être d'une poignée de personnages aux prises avec leurs contradictions et leurs névroses. Malgré la bonne volonté des comédiens et quelques scènes troublantes, le film n'évite malheureusement pas toujours les clichés

© Le Point - 31/08/2001 - N°1511 - Films - Page 118 - 99 mots


 

Synopsis :
Un jeune homme de bonne famille fait une croix sur un avenir doré et tente une improbable carrière d’acteur. Sous l’emprise d’une réalisatrice manipulatrice, il va se brouiller avec son père et une petite amie impatiente.

Critique :
Face à cet auteurisme pur et dur, on reste de marbre. Birkin est très mal employée, et la présence de Louis Garrel, fils de Phillipe, suggère une tentative d’affiliation qui dessert le film. De plus, Garrel étant l’émule le plus radical de Pialat, on ne cesse de se dire que maître Maurice sait autrement mettre les corps et les âmes à nu.


 
Studio Critique de Michel Rebichon, un des 2 rédacteurs en chef de Studio.

(une étoile sur 4 étoiles max.)

Ceci est mon corps
Qui suis-je ?
Où vais-je ? Glacé.
 

L'Histoire
Antoine, en prépa HEC accepte un rôle dans un film. Une décision qui va bouleverser sa vie et son peu de convistions...
Sortie 29 Août.
Antoine, tiraillé entre l'ombre d'un défunt frère et le fantôme d'un "personnage ayant existé" qu'il doit incarner dans un film, a du mal à définir ce qu'il est, ce qu'il veut et où il va. De cette confusion des sentiments, de ce trouble de l'identité, de ce vertige existentiel, Rodolphe Marconi, réalisateur et coscénariste de Ceci est mon corps, fait le coeur de ce premier film.
Certes de son héros, Louis Garrel (fils de Philippe Garrel), est convaincant en jeune adulte qui cherche sa véritable place par rapport à sa famille et ses nouvelles relations. Certes, Jane Birkin, en réalisatrice succube, est inattendue dans ce personnage cruel. Certes, les econds rôles -Girardot, Flamand, Bezace- sont bien choisis et la mise en scène, notamment dans l'approche physique des corps, est intéressante...
Pourtant, on reste de marbre devant ce film si glacé qu'il en devient hautain. Si torturé qu'il en perd toute réalité.

Dans le même Studio, on peut lire page 36 un "Profil" de Jane Birkin écrit par Sophie Benamon. Extrait:

"Cela faisait 10 ans que Jane Birkin avait disparu du cinéma français.
Il aura fallu un réalisateur de 25 ans pour ramener à nous la belle Anglaise. Dans Ceci est mon corps,
Rodolphe Marconi lui a confié un rôle inattendu:
"Louise ne me ressemble pas; elle est cruelle; très apprêtée; mais j'ai aimé ses appréhensions. C'est une femme qui a peur d'être brûlée." Quel plaisir, en tout cas, de la retrouver à l'écran avec un vrai rôle !"

Source : Studio Magazine (mensuel français) de Septembre 2001, n.170, page 28 dans la section "Les critiques".
copyright Studio Magazine, 2001.


 
Isabelle Fajardo

("pas mal" sur une échelle de "hélas"/"bof"/"pas mal"/"bien"/"bravo")

Ceci est mon corps
Les déambulations d'un jeune homme en quête de son double.
Un premier film au charme étrange.
 
Qui était Lucas ? Pourquoi s'est-il suicidé quand il était sur le point de quitter son emploi de barman aux Bains-Douches pour jouer un premier rôle de cinéma ? Pour suivre les traces de cet inconnu qui lui ressemblait comme un frère, Antoine déserte son avenir tout tracé de fils de famille (des études de commerce, un père autoritaire, chef d'entreprise, une mère effacée et aimante, une petite amie très amoureuse, une demeure cossue). Il accepte de reprendre le rôle de Lucas dans la fiction que s'apprête à tourner la réalisatrice Louise Vernet, et tente d'élucider le mystère de sa mort tragique. Bientôt, entre le jeune homme et la réalisatrice, émouvante ogresse qui vampirise ses acteurs et se consume en regrets (Jane Birkin, sobre et fragile), se noue une relation trouble, assez belle: attraction, répulsion, indifférence...
Dès son court métrage (Stop, Prix du jury en 1998 à Cannes), Rodolphe Marconi aimait filmer les corps qui s'ignorent après l'amour, les personnages opaques, indécis, en vadrouille. Qu'est-ce qui fait avancer Antoine ? La révolte, la curiosité, la fascination ? On ne le saura pas. A l'image de ce film, aux antipodes d'un cinéma carré et maîtrisé, il déambule, plutôt, le long de chemins de traverse qui ne mènent nulle part (on notera au passage une très jolie performance d'Annie Girardot en grand-mère atteinte de la maladie d'Alzheimer). Antoine est ailleurs, il existe à peine, il nous échappe, comme lui échappe Lucas, son double, cet autre. Et c'est ce qui fait son charme étrange. Ceci est mon corps, dit le titre, sous-entendu le mien, pas le tien. Une dérive qu'on peut trouver un peu mince, morbide, blasphématoire, foutraque. Mais humaine, très humaine.

Source: Télérama (hebdomadaire français) du mercredi 29 Août 2001, du 1er au 7 Septembre 2001, n.2694, page 36. copyright Télérama, 2001.

Revenir à la fiche "Ceci est mon corps"
Copyright (c) 2001 Sébastien.